En décembre dernier, je l’ai vu dans le coin de Tarik HADDIR au gala de l’Ariane Boxing. On a échangé quelques messages et il a tout de suite accroché pour un entretien sur le métier de Cutman qu’il exerce avec implication et passion.
Plus jeune, il a combattu en pieds-poings puis est revenu à la boxe. Aujourd’hui, à 49 ans, toujours hyperactif, David enchaîne son métier de pompier et les entraînements à l’ASCM Boxe de la Beaucaire à Toulon :
- boxe parents-enfants
- boxe en entreprise
- coachings individuels
Mais il a d’autres cordes à son arc !
Quand il s’inscrit à l’ASCM pour reprendre la boxe, l’atout d’avoir un pompier dans l’équipe est vite repéré par Mohamed MAGHRAOUI. C’est comme ça que va débuter l’aventure du “cutting”, d’abord pour son club, en 2016.
Des débuts à la reconnaissance
“ La première fois que j’ai rencontré la famille ROMEAS, qui organise depuis de nombreuses années la Nuit des Champions et l’Octofight sur Marseille, Erick, le père, m’a interrogé : ‘Cutman ! Mais c’est quoi ?!’
Après lui avoir expliqué en détails les contours de ma mission, il m’a tout de suite donné ma chance. »
Il faut savoir qu’à l’inverse de pays comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, historiquement, en France, il n’y avait pas besoin d’une licence officielle pour effectuer les bandages et soigner les boxeurs entre chaque reprise. C’est plutôt l’entraîneur ou des membres de l’équipe du combattant qui s’en occupaient généralement. C’est donc un travail pédagogique pour David et les quelques autres qui exercent en France le métier de cutman professionnel de sensibiliser les promoteurs, les équipes et les combattants à l’intérêt de travailler avec un professionnel formé et mettant à jour ses connaissances.
Pour revenir à la Nuit des Champions, David n’intervenait pas sur les bandages au début.
“Les entraîneurs souhaitaient continuer à s’occuper des bandages de leurs combattants, et quand ils ont fait cela pendant 20 ans, tu ne peux pas changer les pratiques de ton propre fait !
Mais au fil du temps, cela a changé.”
Soigner pour gagner
David m’a raconté pas mal d’anecdotes. L’une d’entre elles illustre bien l’intérêt de son expertise et de son savoir-faire.
On est à la Nuit des Champions 26. Eddy NAÏT SLIMANI défend sa ceinture en K1 Rules contre Sergei KULIABA, un gros client !
“Une grosse défense de ceinture est en jeu. Eddy se fait ouvrir l’arcade. Le médecin est présent : il peut compresser, vérifier les pupilles, mais il n’a pas les astuces et les techniques du cutman. Face à l’hémorragie, il y a quasiment neuf chances sur dix qu’il décide d’arrêter le combat.
Le cutman est à la fois l’allié du médecin et celui du combattant. On a des rôles complémentaires. Dans le coin, la blessure je l’ai tenue !
Eddy est retourné au combat et s’est fait ouvrir l’autre arcade… Un peu plus tard, le nez… Et pourtant, il va gagner la ceinture devant les 5000 spectateurs présents et en direct sur RMC Sport”.
La plupart des médecins n’auraient pas pris ce risque, mais c’est un risque calculé qui prend en compte à la fois le désir de victoire et le besoin de sécurité.
“Après un combat, je donne aux combattants la marche à suivre pour le suivi médical. Je le fais parce que je suis pompier de métier, pour que les blessures guérissent bien”.
Des combattants et des promoteurs, il en côtoie beaucoup, et je ne pourrais pas tous les citer ! Il s’est par exemple occupé du multiple champion du monde de boxe Hassan N’Dam : “j’ai eu l’occasion de l’accompagner, avec la Team TOESCA lors d’un gala en Corse”.
En pieds-poings, vous l’avez peut-être croisé :
- au Choc des Étoiles
- à la Nuit des Gladiateurs
- au Choc des Gladiateurs
- à la Stars Night
- ou même au Glory 47 à Lyon ! etc. etc. !
Depuis la légalisation du MMA en France, il est appelé par diverses organisations comme l’Octofight ou l’AFC Cannes [ce soir là Dimitry SOLIMEIS, souvent relayé sur mon compte Instagram, combattait].
Le week-end dernier, David est intervenu sur l’Atomic Fighting Championship à Mons, avec la team « Cutman Belgium » dont il fait partie.
Les missions du cutman
Lors d’une compétition, le médecin, l’équipe de premiers secours et le cutman (soigneur) ont des rôles complémentaires, mais différents. Selon les fédérations sportives, la présence d’un cutman qualifié n’est pas toujours obligatoire.
1. Protéger les poings des combattants
En amont du combat, le cutman réalise les bandages (hand wrapping) avec du matériel homologué spécialement adapté (bandes de gaze ; le tape, du scotch très particulier, maillé pour être à la fois très résistant mais déchirable facilement dans le sens de la largeur, etc.).
La connaissance de l’anatomie des mains est importante, ainsi que la discussion avec le combattant.
“Tu lui demandes si sa main a déjà subi des traumatismes, quels os ont été touchés, tu t’adaptes, tu masses aussi la main pour détendre les chairs”.
Le temps de préparation des bandages est d’une vingtaine de minutes en boxe et en K1. Il est un peu plus court en MMA.
Selon les sports et les fédérations, il y peut encore y avoir des dérives. Pourtant, les bandages ont plusieurs utilités :
- maintenir l’ossature du combattant pour qu’il ne se casse pas la main lors de l’impact,
- avoir un bon maintien dans le gant,
- Ils servent aussi en termes d’efficacité, mais attention “certains mettent un paquet d’adhésifs et il faut bien contrôler tout cela avant les combats pour assurer l’équité entre les adversaires.”
En mixed martial arts (MMA), le code sportif professionnel est très complet. La présence d’un cutman dans le coin rouge et dans le coin bleu est obligatoire.
“Tu t’occupes de l’intégralité des combattants et cela demande une organisation de ouf. J’interviens alors en équipe”.
Codes sportifs
Le code sportif professionnel de la French MMA Fédération (V2021) aborde en effet largement la conduite des soigneurs (cutmen). Ils doivent être en possession d’une certification IMMAF ou prouver d’une expérience sur un minimum de 5 événements pugilistiques et ils doivent aussi être titulaires au minimum d’un PSC1.
“Le soigneur (cutman) a pour principale mission d’aider à la préservation de la santé du ou de la combattant.e par la réalisation de bandages des mains, de soins de la peau et de ses blessures pendant ou post-combat”.
2. Prodiguer des soins
Si l’on poursuit avec le règlement MMA, pendant le combat, le cutman intervient lors des minutes de repos, entre chaque reprise. En cas de suspicion de lésions ou de traumatismes graves associés aux plaies cutanées, il doit informer le médecin. Après le combat, il peut aussi réaliser des soins de base post-traumatiques comme l’application de glace, voire placer des strips sur de petites lésions, sur avis du médecin.
Contusions, hématomes… plaies ouvertes à l’arcade sourcilière… hémorragies nasales… la liste des blessures sur lesquelles le cutman est habilité à intervenir est longue ! Il s’agit de premiers soins (ou d’interventions de premiers secours en amont d’une prise en charge médicale le cas échéant).
“En boxe anglaise , je soigne surtout des blessures au niveau du visage, en K1 rules, les tibias, en MMA tu en as partout ! Les blessures à la paupière je les redoute car il faut vraiment bien les gérer. Les plus compliquées, autour de l’oeil, elles saignent beaucoup (…) l’arcade, la paupière, la commissure à l’intérieur de l’oeil (…)”
Parmi son matériel, l’Enswell, “un outil en acier que tu refroidis dans un saut de glace et qui freine la croissance de l’hématome, sans toutefois le résorber.”
Être meilleur qu’hier
David a multiplié les rencontres et les formations et pris pour devise « Être meilleur qu’hier« .
« Je suis parti à New York, à la base pour m’entraîner dans 2 salles dont le Title Boxing Club. Là-bas, tu as toujours un coach ou un ancien, qui fait office de cutman. Ils m’ont montré le métier, le matériel à utiliser, les bandages amateurs et professionnels (…) En glanant des informations sur internet, j’ai découvert aussi le profil d’un italien, Federico Catizone, président de l’International Cutman Association (ICA) .
Au départ, je me suis demandé, comment intégrer cette association mondiale qui regroupe les meilleurs de la planète ayant travaillé avec les meilleurs boxeurs du monde ? Jacob “Stitch” Duran, son président honoraire, c’est le précurseur des cutmen dans la planète. Il a même joué son propre rôle dans trois opus de la saga Rocky/Creed !
J’ai raconté mon histoire à Federico, il m’a proposé de participer à l’un de ses séminaires en Italie. Je suis parti direct ! Je suis resté 4 jours pour participer à ce stage où un jeune me traduisait en temps réel. Federico m’a formé sur le cutting, les bandages, etc.
Il m’a demandé ensuite de continuer à travailler sérieusement, il a surveillé mon travail et j’ai eu l’énorme surprise d’être intégré dans ce cercle très fermé. »
Deux questions pour terminer
Toi qui connais bien les blessures, que penses-tu du bare-knuckle ou des combats qui font beaucoup de vues sur YouTube ?
“Je pense qu’on est parti dans un tourbillon qui ne s’arrête pas. Ils cherchent le spectaculaire sans penser aux conséquences… Je repense à un futur champion de 21 ans, Prichard COLON, qui avait pris plusieurs coups derrière la tête durant un combat. Il avait été décelé un gros hématome cérébral. Il est resté sept mois dans le coma, et aujourd’hui, il est handicapé à vie. On ne joue pas à la Boxe !
En rugby, ils ont mis en place un protocole commotion [sortie du joueur 5 mn du terrain pour réaliser une évaluation neurologique], c’est très bien. En boxe, ça n’existe pas !”
La trousse de secours minimum pour des pratiquants loisirs ?
« Le minimum syndical ce serait : compresses, solution désinfectante sans alcool, solution oculaire, vaseline, straps, steri-strip, bombe de froid. »
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